L'échographie
L'échographie vue par la société
En France, depuis les années 1990, le développement de l'imagerie médicale par ultrasons -Echographie- s'est généralisée dans le milieu obstétrique en raison de ses capacités performantes en matière de diagnostic, de dépistage ou de suivi des grossesses. Bien que l'échographie soit un outil d'analyse dans notre société européenne qui conserve ses droits et n'influence pas la démographie , elle connaît des développements dangereux dans les sociétés asiatiques chinoise, iranienne mais surtout indienne, et risque de modifier structurellement leur société.
Dans notre société mais plus largement dans les pays développés de type occidental, l'échographie a démontré qu'elle était un outil médical indispensable pour le suivi de l'évolution du fœtus, ses performances techniques permettent tout au long des neuf mois de grossesse de dépister les éventuelles anomalies anatomiques (membres, fermeture du canal rachidien ou spina bifida, ..) de contrôler les battements du cœur, de vérifier le sexe et de mesurer la taille du fœtus et, en cas de besoin, ces diagnostics peuvent être complétés par des analyses de type amniocentèse, biopsie trophoblaste ou chromosomique. En France, la haute autorité sanitaire autorise trois examens au 2ème, 5ème et 8ème mois ce qui reste insuffisant pour certaines femmes impatientes de découvrir leur bébé et sont en proie à une forme d'excitation mais aussi à de l'appréhension. Devant cette demande légitime ou pas, de nombreux cabinets d'échographie ont été créés et se sont spécialisés dans la production de photos, de vidéos du fœtus et la détermination du sexe.
Cette pratique porte à controverse dans le milieu médical car suivant les recommandations de l'Agence Nationale de Sécurité du médicaments et des produits de santé (ANSM), l'échographie reste un acte médical et doit être fait par un médecin ou une sage-femme qualifiés.De plus, les médecins ne sont pas en mesure de certifier que les ultrasons n'ont aucun impact sur le fœtus et l'analyse médicale faite par des non-professionnels peut déboucher sur des découvertes incidentes et créer de fausses impressions rassurantes.
Mais, on peut aussi légitemment se poser la question du droit à la vie du fœtus lorsque l'on décèle par l'échographie une maladie génétique telle que la trisomie 21. Ce droit à la vie demeure un véritable cas de conscience à notre société où deux théories s'affrontent, d'un côté, les raisons socio-économiques et familiales, car l'enfant trisomique représente un poids économique pour la société et met en difficulté, voir en danger la cellule familiale car il n'est pas toujours évident de se faire accepter lorsque l'on a un enfant handicapé. On peut ressentir une certaine répulsion qui peut faire naître une forme de honte individuelle ou un aveu d'échec. Cet échec est renforcé par la compassion que vous suscitez aux yeux de vos proches et de la société.
D'un autre côté, la religion qui ordonne que l'on respecte le droit à la vie dès sa conception et considère que l'enfant est le fruit d'un désir parental, comme un don de Dieu et non un ''objet'' que l'on pourrait façonner.

D'un point de vue sociétal, la loi ne reconnaît aucun droit ou autonomie aux personnes atteintes de trisomie et participe par voie de conséquence à l'élimination des fœtus anormaux bien que l'avortement reste le choix parental. Pour les parents désireux d'accueillir cet enfant, la société se doit de les accompagner car l'acceptation d'un enfant trisomique va complétement modifier leur vie familiale mais aussi professionnelle.Un tel désir ou foi chrétienne, est aussi un combat contre l'atteinte au respect de la vie humaine, contre l'eugénisme comme ce fût le cas pendant la seconde guerre mondiale avec le nazisme, contre notre argumentation économique alors que notre société possède assez de moyens financiers et enfin, contre cette commisération de bienséance.
A ce jour, 96% des parents porteurs d'un enfant trisomique choisissent l'IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) et le nombre de naissances d'enfant trisomique est en forte baisse puisqu'il est passé de 785 en 1990 à 355 en 1999 suivant une étude de l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne.
La loi Française impose, depuis 2009, que le dépistage de cette maladie soit proposé aux femmes enceintes.


Si dans notre société occidentale, l'échographie est considérée comme un formidable outil médical capable de suivre l'évolution du fœtus et permet d'accompagner les futurs parents pour leur nouvelle vie, il n'en demeure pas moins que dans la société indienne, l'échographie influence grandement le comportement des parents sur l'acceptation ou non du fœtus.
En effet, à l'intérieur de la société indienne persiste la coutume de la dot au moment du mariage, pourtant interdite par la loi, qui oblige la jeune fille à remettre à la belle famille de l'argent pour être parfaitement intégrée. A partir de ce constat, on comprend le désarroi de certaines familles indiennes de castes inférieures qui pour ne pas payer de dot privilégient la naissance d'un garçon plutôt que d'une fille. Ce fils sera aussi en mesure de reprendre l'affaire familiale et s'occupera de ses parents vieillissants.
Avec le développement et la démocratisation de l'échographie en Inde, les Indiennes n'hésitent plus à pratiquer l'avortement sélectif, quelle que soit leur condition sociale, afin de ne pas faire subir à leurs propres filles ce qu'elles ont pu endurer socialement. Rappelons qu'en Inde, la femme est considérée comme inférieure et représente une charge économique pour une famille en raison de la dot. Ce sentiment d'impunité ne doit pas masquer non plus la honte intérieure qu'éprouvent ces femmes ni leur sentiment de culpabilité de vouloir que des garçons.
Suite au dernier recensement en 2011, l'Inde présente désormais un fort déséquilibre entre les naissances des garçons par rapport aux filles. En 2001, on comptait 927 filles pour 1000 garçons alors qu'en 2011, on est passé à 914 filles. Il y aurait depuis 1980, 40 millions de femmes en moins. Cette inflexion du nombre de filles est bien le corollaire des échographies comme on peut l'observer au Rajasthan où le nombre d'appareils a augmenté de 80% entre 2001 et 2011, et on dénombre maintenant 900 naissances féminines pour 1000 masculines.
Devant cette situation, le gouvernement a déjà pris quelques dispositions comme l'interdiction aux médecins de divulguer le sexe de l'enfant (1994) mais, sous l'effet des pressions familiales et de la corruption, les médecins n'hésitent pas à contourner la loi en utilisant des formules toutes faites pour indiquer le sexe de l'enfant
comme ''Vous allez célébrer'' pour un garçon ou bien ''il ne vous reste qu'à prier'' pour une fille.
Afin d'enrayer ce phénomène, le gouvernement pense aussi à taxer les
appareils en provenance de Chine mais cela aurait aussi comme conséquence négative d'interdire à une partie de la population l'accès aux examens médicaux.
Les conséquences d'un tel phénomène sont catastrophiques pour la société indienne. Le manque de femmes risque de créer ou développer de nouvelles formes de violence tels que l'enlèvement ou le viol pour tous ces hommes frustrés.
Ou bien, comme le montre le cas des états de l'Haryana, du Penjab et du Gujarat, cela peut déboucher sur une pratique d'achat de jeunes filles pauvres par des hommes plus riches désireux de se marier. Si l'on pouvait supposer que la condition féminine s'en trouverait valorisée, il n'en est rien, puisque le principe de l'achat renforce le sentiment de dépendance de ces jeunes filles qui deviennent plus des esclaves sexuelles que domestiques.
Cependant, cette ''pénurie'' pourrait se réduire si l'on pouvait donner plus d'importance aux femmes sur le plan économique, en interdisant la dot de façon plus effective ou bien en mettant en place un système matrilinéaire de telle façon que le patrimoine soit au nom des filles.

On retrouve aussi ce phénomène de sélection masculine en Arménie, Azerbaïdjan, Albanie et dans une moindre mesure, au Kosovo pour à peu près les mêmes raisons qu'en Asie, à savoir, qu'un garçon est capable d'assurer la descendance, de soutenir sa propre famille et de recevoir l'héritage familiale.Cet ensemble est renforcé et entretenu par l'opinion publique qui ne conçoit pas la famille idéale sans au moins un garçon.
Depuis l'avènement de l'Echographie, les couples ont ainsi à leur disposition une solution simple pour ne pas avoir à gérer une famille nombreuse alors qu'ils sont touchés par la crise économique.
Ce déséquilibre garçon/fille s'est rapidement accentué depuis maintenant une vingtaine d'année en raison d'une part,d'un taux de fécondité en régulière baisse puisque les femmes ont moins de deux enfants et d'autre part, d'une politique de natalité quasi inexistante depuis l'effondrement des régimes socialistes des ex-pays de l'URSS et de Yougoslavie en 1991.
A long terme, ce principe n'est pas viable et entraînera une remise en cause du système familial avec ce surplus démographique d'hommes.
Pour conclure, on constate fréquemment que les progrès de la médecine sont détournés de leur sens premier et sans s'en rendre compte, il menace l'équilibre de notre système sociétal. Bien que le détournement de l'usage de l'échographie est un véritable problème dans les pays d'Asie ou d'Europe orientale avec ces avortements sélectifs incontrôlables,il n'en demeure pas moins, que nos sociétés occidentales risquent d'être confrontées à ce même phénomène quant à l'utilisation de la fécondation in vitro . Aujourd'hui, des tests génétiques permettent de déceler le sexe des embryons pour prévenir des maladies héréditaires mais pour demain, on peut toujours se poser la question des autres couples désireux de choisir le sexe de leur enfant.Actuellement, en France, le nombre de couple faisant appel à la fécondation in vitro est d'environ 3%.
Notre civilisation millénaire a encore besoin de temps pour assimiler qu'une société est un ensemble collectif et participatif où les intérêts individuels doivent être minimisés car ils risquent de la mettre fortement en danger.